1982

 

27 juillet 1982, dépénalisation de l'homosexualité en France

 

En 1968, la France adopte la classification de l’Organisation Mondiale de la Santé déclarant l’homosexualité maladie mentale.

Il faudra attendre 1985 pour que l’homosexualité soit retirée du manuel diagnostique et statistique des maladies mentales.

C’est seulement en 1992 qu’elle est "déclassée" par tous les états signataires de la Charte de L’OMS.

 

En France, ce n’est que le 4 août 1982, avec l’arrivée des Socialistes au pouvoir, que l’homosexualité sera dépénalisée.

Raymond Forni, artisan de la dépénalisation de l'homosexualité (1941-2008) sous la direction du Garde des Sceaux Robert Badinter.

Discours de Robert Badinter sur la dépénalisation de l'homosexualité, le 20 décembre 1981.

 

Historique :

À chaque époque, ses mœurs. L’homosexualité n’a pas échappé à la règle et a été selon les époques : ou très bien acceptée, ou totalement réprimée. Elle était, par exemple, très bien vue dans la Grèce antique et elle était même la manifestation d’un certain machisme. Pour les Grecs, l’amour avec une femme était sans âme, alors que l’amour, au sens noble du terme, et le plaisir sexuel étaient une affaire d’hommes. Chez les Pharaons d’Egypte, l’homosexualité était aussi en vogue et ces derniers ne se privaient pas d’avoir de beaux jeunes hommes dans leur harem !

Finalement, dans notre pays, la répression envers les homosexuels naît véritablement avec le Christianisme. Jusqu’à la révolution française, le comportement sexuel des individus était d’ailleurs l’affaire des tribunaux religieux. Quand ils furent abolis en 1791, l’homosexualité fut de fait décriminalisée. Les auteurs du code Napoléon en 1810, et plus probablement Cambacérès lui-même homosexuel, décidèrent de ne pas créer de loi condamnant l’homosexualité, bravant beaucoup d’officiels du régime qui considèrent l’homosexualité "contre-nature". La majorité sexuelle reste cependant source de discrimination : elle est fixée à quinze ans pour les hétérosexuels et à dix-huit pour les homosexuels. Et la notion "d’atteinte publique à la pudeur" présente dans le code a été souvent utilisée pour réprimer l’homosexualité.

Cette "chasse" aux homosexuels a également eu cours dans d’autres pays. En Angleterre, le procès le plus retentissant reste celui d’Oscar Wilde. Marié et père de famille, l’écrivain irlandais entretenait des relations amoureuses avec des hommes. En 1895, il a été condamné à deux ans de prison avec travaux forcés pour délit d’homosexualité. En 1997, la reine Elizabeth a encore refusé de le gracier !

 

Condamnation à mort

En France, la répression de l’homosexualité dans la loi reprend avec le régime de Vichy. Une ordonnance du 6 août 1942 prévoit que "sera puni d’un emprisonnement de six mois à trois ans et d’une amende […] quiconque aura […] pour satisfaire ses propres passions, commis un ou plusieurs actes impudiques ou contre-nature avec un mineur de son sexe âgé de moins de vingt et un ans".

De 1940 à 1944, des milliers d’homosexuels seront livrés à la Gestapo sur la foi de fichiers illégaux de la police française. Ils seront expulsés, torturés, violés et/ou déportés. Selon la Fondation pour la mémoire de la déportation, deux cent dix Français auraient été déportés par les nazis en raison de leur homosexualité, principalement dans l'Est de la France, dans l'Alsace et la Moselle devenues provinces allemandes. Ces arrestations s’appuyaient sur le paragraphe 175 du code pénal allemand condamnant de trois à cinq ans de prison la sexualité entre hommes.

Rappelons le discours du chef nazi Himmler sur l'homosexualité prononcé le 18 février 1937 : "Si j'admets qu'il y a un à deux millions d'homosexuels, cela signifie que 7 à 8 % ou 10 % des hommes sont homosexuels. Et si la situation ne change pas, cela signifie que notre peuple sera anéanti par cette maladie contagieuse. À long terme, aucun peuple ne pourrait résister à une telle perturbation de sa vie et de son équilibre sexuel […] Un peuple de race noble qui a très peu d'enfants possède un billet pour l'au-delà : il n'aura plus aucune importance dans cinquante ou cent ans, et dans deux cents ou cinq cents ans, il sera mort […] L'homosexualité fait échouer tout rendement, tout système fondé sur le rendement ; elle détruit l'État dans ses fondements. Nous devons comprendre que si ce vice continue à se répandre en Allemagne sans que nous puissions le combattre, ce sera la fin de l'Allemagne, la fin du monde germanique". Le 16 novembre 1940, il ordonne : "II faut abattre cette peste par la mort."

Selon le United States Holocaust Memorial de Washington, 90 00 à 100 000 homosexuels ont été arrêtés entre 1933 et 1945. 10 000 à 15 000 d’entre eux ont péri dans l’univers concentrationnaire nazi.

 

 

En France, à la Libération, une ordonnance de 1945 reprend pratiquement les mêmes termes que l’ordonnance de Vichy. De plus, des adolescents de même sexe ayant des rapports librement consentis entre eux peuvent être poursuivis pour "attentat à la pudeur" ou encore pour "coups et blessures réciproques". La Libération est finalement un vain mot pour bon nombre d'homosexuels qui ont été le seul groupe à qui a été déniée toute reconnaissance ou réparation à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Une fois libérés des camps, certains homosexuels ont même été remis en prison pour débauche.

En 1960, une loi ajoute la circonstance aggravante d’homosexualité en matière d’outrage à la pudeur. Cet alinéa ne sera supprimé qu’en 1980. Toujours en 1960, l’amendement Miguet assimile l’homosexualité à un "fléau social" au même titre que l’alcoolisme et la prostitution. En cas de condamnation pour homosexualité, cette condamnation sera inscrite pendant cinq ans au casier judiciaire.

 

En 1968, la France adopte la classification de l’Organisation Mondiale de la Santé déclarant l’homosexualité maladie mentale.

Il faudra attendre 1985 pour que l’homosexualité soit retirée du manuel diagnostique et statistique des maladies mentales.

C’est seulement en 1992 qu’elle est "déclassée" par tous les états signataires de la Charte de L’OMS.

En France, ce n’est que le 4 août 1982, avec l’arrivée des Socialistes au pouvoir, que l’homosexualité sera dépénalisée.

 

Source : http://www.planet.fr/mag/l-homosexualite-une-vieille-histoire.9652.html

 

 

 

Raymond Forni, artisan de la dépénalisation de l'homosexualité (1941-2008)

Raymond Forni, président socialiste du Conseil régional de Franche-Comté, décédé le 5 janvier, avait été l'un des artisans de la dépénalisation de l'homosexualité. Président de la commission des lois de l'Assemblée nationale en 1981, il a défendu le premier, devant l'Assemblée nationale, le «droit de chacun à la libre disposition de lui-même, du droit au plaisir comme à l'épanouissement». «J'ose le dire, l'homosexualité est un comportement sexuel comme les autres, elle est une des expressions de la liberté fondamentale du corps», avait-il déclaré. Après avoir été rapporteur du projet de loi abolissant la peine de Raymond Forni, président socialiste du Conseil régional de Franche-Comté, décédé le 5 janvier, avait été l'un des artisans de la dépénalisation de l'homosexualité. Président de la commission des lois de l'Assemblée nationale en 1981, il a défendu le premier, devant l'Assemblée nationale, le «droit de chacun à la libre disposition de lui-même, du droit au plaisir comme à l'épanouissement». «J'ose le dire, l'homosexualité est un comportement sexuel comme les autres, elle est une des expressions de la liberté fondamentale du corps», avait-il déclaré. Après avoir été rapporteur du projet de loi abolissant la peine de mort en 1981, il avait organisé les travaux parlementaires en faveur de la «dépénalisation» de l'homosexualité, sous la direction du Garde des Sceaux Robert Badinter.

Il avait soutenu, le 31 juillet 1981, l'amnistie des homosexuels condamnés pour outrages publics à la pudeur, et ceux condamnés en vertu de l'article 331-2 qui fixait la majorité sexuelle à 18 ans pour les relations homosexuelles (au lieu de 15 ans). Le 27 juillet 1982, une loi abrogeant ces deux articles du Code pénal mit fin au traitement pénal discriminatoire des homosexuels. «Là aussi, Raymond Forni était à la manœuvre à l'Assemblée nationale, rappelle Alain Piriou, porte-parole de l'Inter-LGBT sur son blog, pour batailler contre une droite déchaînée et hystérique: cette proposition de loi, qu'il a défendue avec Gisèle Halimi, porta alors son nom. Sachons en garder le souvenir.»

Photo DR
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par Paul Parant

Source : http://www.tetu.com/rubrique/infos/infos_detail.php?id_news=12301&date_info=2008-01-07

 

 

Discours de Robert Badinter sur la dépénalisation de l'homosexualité, le 20 décembre 1981

Sur une proposition du ministre de la Justice, Robert Badinter, l'Assemblée Nationale vote le 27 juillet 1982 la dépénalisation de l'homosexualité. Avec l'abrogation de l'article 332-1 du code pénal, l'homosexualité n'est plus considérée comme un délit.

Extraits du discours de Robert Badinter, Garde des Sceaux du gouvernement Mauroy. Intervention à l’Assemblée Nationale, le 20 décembre 1981 :

Madame la présidente, mesdames, messieurs les députés,

La proposition de loi qui vous est soumise est de celles auxquelles le Gouvernement s’associe pleinement [...] Une évidence s'impose : pendant cent cinquante ans, comme l’a rappelé Mme le rapporteur, de 1791 à 1942, la loi pénale française a refusé la répression de l’homosexualité en tant que telle, c’est-à-dire entre personnes consentantes, y compris si l’une d’elles ou les deux étaient des mineurs de plus de quinze ans. [...]

Les années 1791 à 1942 ne sont pourtant pas, historiquement, ce qu’on peut appeler une période de libertinage ou de laxisme dans les mœurs ; c'est l'époque du triomphe de la morale bourgeoise, avec ce qu’elle comportait de valeurs et de rigueur au moins proclamées dans le domaine des mœurs. Croit-on vraiment que si les champions de l’ordre moral si exigeants du XIXe siècle – qu’ils s’appellent Odilon Barrot, Mole ou le duc de Broglie avaient considéré que la sauvegarde des mineurs contre ce qu’ils appelaient le « désordre des mœurs » passait par la répression pénale de l’homosexualité, ils n’auraient pas saisi les assemblées parlementaires, alors composées en majeure partie de notables, de projets de textes répressifs identiques à l’article 331, deuxième alinéa ? Rendons-leur à cet égard, témoignage ; si Oscar Wilde a été condamné par la justice anglaise pour avoir séduit Lord Douglas, nous savons que Verlaine ne pouvait être poursuivi par la justice française pour avoir séduit Rimbaud, âgé de dix-sept ans, à moins d’ailleurs, que la séduction ne fût en sens contraire. Tous les rapports de police de l’époque témoignent que la liaison était notoire Alors, interrogeons-nous ! La justice anglaise s’est-elle trouvée grandie d’avoir détruit moralement et physiquement Oscar Wilde ? Et l'homosexualité chez les jeunes gens de l’aristocratie anglaise s’est-elle trouvée réduite par ces pratiques répressives ? À lire les mémoires de l’époque, il est permis d’en douter.

 

En réalité, ces législateurs du XIXe siècle savaient fort bien je n'ose pas dire par expérience séculaire que jamais la répression pénale n’a eu à l'égard de l’homosexualité, la moindre efficacité. Nul d’ailleurs ne le savait mieux que notre éminent prédécesseur, l’archichancelier de l’Empire, M. Cambacérès l’un des auteurs du Code pénal, bien connu au Palais-Royal sous le sobriquet de « Tante Urlurette ». [...]




L’Assemblée sait quel type de société, toujours marquée par l’arbitraire, l’intolérance, le fanatisme ou le racisme a constamment pratiqué la chasse à l’homosexualité. Cette discrimination et cette répression sont incompatible les principes d’un grand pays de liberté comme le nôtre. Il n’est que temps de prendre conscience de tout ce que la France doit aux homosexuels comme à tous ses autres citoyens dans tant de domaines.

 

La discrimination, la flétrissure qu’implique à leur égard l’existence d’une infraction particulière d’homosexualité les atteint nous atteint tous à travers une loi qui exprime l’idéologie, la pesanteur d'une époque odieuse de notre histoire. Le moment est venu, pour l’Assemblée, d’en finir avec ces discriminations comme avec toutes les autres qui subsistent encore dans notre société, car elles sont indignes de la France.

Robert Badinter Garde des Sceaux du gouvernement Mauroy

 

Source : http://culture-et-debats.over-blog.com/article-511880.html

 

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